Retour de marché #4 : vin et fromage, un couple qui traverse le temps…
Ce duo est ancré dans notre histoire et nos traditions, dans nos régions et notre cuisine, dans notre assiette et nos habitudes et force est de constater qu’il trouve parfaitement sa place dans la gastronomie française. Indéniablement associé à la convivialité, ces produits créent du lien, de l’échange, du partage… Autant de valeurs que l’on affectionne, c’est sûr. Et question diversité, l’un n’a rien à envier à l’autre.
D’après le CNIEL, on dénombre près de 1200 variétés de fromages en France : certains reconnus et protégés, d’autres tenus confidentiels au sein de nos régions et d’autres encore sortis de l’imagination de passionnés. Pour les vins, c’est 1313 dénominations dont certaines sont déclinées selon la couleur, le taux de sucres… Alors c’est sûr : l’accord vins et fromages est un sujet qui n’est pas près d’être clos. Nous allons tout de même essayer d’y voir plus clair.
Vin rouge et fromage : une idée encore trop ancrée
Autour de toutes belles tablées familiales du dimanche, quand arrive, juste avant le dessert, le plateau de fromages, il y a toujours quelqu’un pour demander un verre de rouge qui tâche ! C’est une idée reçue encore trop répandue que de consommer un vin rouge avec du fromage, et ce, surtout si on a un vin rouge tannique. Prenons un instant pour comprendre les caractéristiques des vins rouges et blancs et les bases des accords mets vins. Un vin rouge se caractérise par son degré alcoolique, son acidité et ses tannins alors que dans le vin blanc, on se concentre sur l’alcool et l’acidité.
De manière générale, l’alcool contrebalance le caractère salin, acide ou amer des mets, l’acidité du vin équilibre soit le caractère gras d’un mets, soit la douceur naturelle (on ne parle pas de sucre, mais bien de douceur comme dans les carottes par exemple !) et enfin les tannins “assèchent” la bouche, équilibrent un excès de jutosité. Le fromage en général se caractérise par son caractère lacté, gras, onctueux et salé. Avec ces bases, on comprend aisément que les tannins n’ont pas trop leur place dans l’accord avec les fromages. Cela va même plus loin, les tannins face au caractère gras et lacté vont renforcer l’astringence, parfois l’amertume de la croûte des fromages, ce qui est peu agréable. Enfin, par leur intensité, les rouges ont tendance à masquer, à dominer la subtilité des arômes des spécialités fromagères… On est loin de l’accord parfait !
Vin blanc et fromage : une tout autre histoire…
On est sur un mariage tout en complémentarité avec la richesse et l’onctuosité des fromages. L’accord principal se fait entre l’acidité du vin et le gras du fromage. Plus le fromage est riche et onctueux, plus on peut aller sur un vin blanc vif et frais. Mais ce n’est pas le seul élément à prendre en compte, on va tenir compte du caractère salé qui pourra supporter des degrés d’alcool un peu plus élevés. Enfin, on tient compte aussi de l’intensité et de la persistance du vin. Un vin intense et très expressif s’appréciera avec des fromages doux et fleuris. Un vin persistant – élevé sur lies, légèrement boisé ou bien d’un millésime un peu plus ancien, s’associe parfaitement avec des fromages affinés.
Dans la famille fromages, je voudrai…
Pour affiner son accord, il va falloir bien caractériser le fromage en question. L’origine du lait, le type de technologie fromagère, l’affinage… Autant de questions qui influent sur le caractère du fromage. Rappelons-nous d’abord que le lait de brebis est plus riche en matière grasse que le lait de vache ou de chèvre. Grâce à cette richesse, il parait moins acide. Mais la richesse en matière grasse varie aussi en fonction de la période de lactation, de l’alimentation de la brebis, vache ou chèvre… Ensuite, la technologie fromagère joue un rôle important : les fromages lactiques (fromages de chèvre) n’ont pas le même équilibre ni les mêmes saveurs que les pâtes molles à croûte fleurie (camembert par exemple) ou les pâtes pressées cuites (comté). Du coup, chaque membre de la famille “fromages” aura son vin de prédilection.
… le camembert de Normandie
Star des fromages français, ce fromage à pâte molle et croûte fleurie, associe des saveurs délicates de crème fraîche, de foin et champignon. Il a besoin d’un vin blanc sec et équilibré, juste frais, mais pas acidulé. On conseille souvent un blanc de Loire à base de chenin (Savennières) ou la richesse d’un riesling d’Alsace bien mûr. Ici, on le tentera avec un verre de Valençay Blanc les Terrajots, vin fruité et équilibré.
… l’époisses
Autre région, autre couleur, autre technologie : l’époisses est un fromage à pâte molle avec une croûte lavée… avec de l’eau et du marc de Bourgogne ! Il a une pâte fine, coulante et fondante que l’on ne soupçonnerait pas au nez : c’est un fromage au bouquet puissant, particulièrement odorant et persistant. Il s’accordera avec des blancs secs et puissants, on apprécie notamment les blancs tendrement boisés. Souvent associé à la puissance du chardonnay de Bourgogne, nous l’avons tenté avec L’Inouï qui a une belle puissance aromatique.
… le comté
Cette pâte pressée cuite est le plus gros de nos fromages de France et sait se faire apprécier des grands comme des petits. Il se mange à toute heure. Son caractère salin est un vrai exhausteur de goût et de saveurs : de foin, de fleurs, de noix… Il se marie avec des vins blancs secs, équilibrés et persistants. Très âgé, il sublimera les vins à caractère oxydatif.
Vous avez oublié un Valençay blanc dans votre cave depuis plusieurs années, il a assurément perdu sa fraîcheur et ses arômes de jeunesse, mais c’est la bonne occasion pour le sortir de votre cave et tenter l’expérience : sans viser l’accord parfait, cela devrait être intéressant.
… le reblochon
On reste en montagne avec de fromage à pâte pressée et croûte lavée. Si on l’apprécie dans la tartiflette, il a sa place sur notre plateau de fromage. Son talon bombé annonce une pâte fondante et crémeuse où se dégagent de délicates notes de fruits à coques (noisettes, amandes…)
Au fait, connaissez-vous l’origine du reblochon ? Il est issu d’une fraude. Au 13ᵉ siècle, les fermiers, pour limiter le droit d’auciège (redevance en nature due au propriétaire) effectuaient une première traite puis, après le départ du contrôleur, procédaient à une seconde traite : le lait était moins abondant, mais très riche et servait à élaboration de ce fromage resté longtemps clandestin ! On comprend bien que le reblochon se révélera avec un blanc sec, tonique et acidulé. Là, nous avons un candidat tout trouvé pour titiller vos papilles : le Touraine blanc Pierre de lumière, du peps et des saveurs de fruits acidulés…
… le Valençay
Avec un Valençay bien sûr. Les fromages de chèvre de la région Centre ont des saveurs délicates et complexes. Le Valençay par sa forme trapue et ramassée garde une pâte tendre où se développent des arômes de beurre, de sous-bois, de fruits secs. Il a besoin d’un vin vif et fruité.
On pourrait continuer longtemps tellement on salive, mais en finirait-on un jour ? Pas sûr.
Mais on ne peut pas terminer sans une dernière suggestion très festive : pourquoi ne pas tenter quelques bulles pour votre plateau de fromages ? Elles s’accordent plutôt bien à la diversité des fromages (à l’exception des fromages persillés) Dites nous en commentaire ce que vous appréciez avec votre plateau de fromage.