2023 : Les montagnes russes d’un millésime ligérien. 

 

Côté vigne, les promesses d’un jour sont loin de se réaliser telles qu’on les imagine. Et le millésime 2023 en est bien la preuve, jusqu’aux vendanges et même jusque dans les vinifications, il nous réserve des hauts et des bas. Dame Nature mène la danse et nous entraîne dans les montagnes russes des quatre saisons.

Vignes sous la gelée

Les yeux tournés vers le ciel…

Quand la vigne s’endort, le vigneron souhaite avant tout un ressourcement profond pour chaque parcelle de vigne : du froid pour assainir l’environnement du vignoble et pour que la vigne se repose… Mais de l’eau aussi ! Il en faudra tout au long du cycle végétatif pour assurer un beau millésime. Alors, il faut que les réserves se reconstituent. Et de ce point de vue là, de novembre 2022 à mars 2023, tout le monde a attendu la pluie. Les coups de sécateurs ont résonné jusqu’à la fin du mois de février sous un ciel de grisaille ou dans une ambiance sèche et ensoleillée, mais pas de pluie.

Les giboulées de Mars sont accueillies avec le sourire, mais il en faudrait plus, beaucoup plus pour préparer correctement la saison. En profondeur, les sols restent secs… Enfin, on profite tout de même de cette période pour remettre en état le palissage. Le sécaillage bat son plein : on change les piquets abîmés, on répare et retend les fils de palissage… Il faut que tout soit prêt pour le débourrement !

L’hiver s’en va, il n’aura pas été rigoureux, mais plusieurs périodes de gel se seront succédé en janvier et février… Dès la mi-mars, une douceur printanière s’installe sur le vignoble et les quelques gelées de début avril n’ont aucune conséquence sur les vignes encore endormies.

Tant attendue, mais tant crainte aussi.

Lentement, les vignes s’éveillent, les bourgeons gonflent, les premières pointes des feuilles d’une couleur verte chartreuse éclatante apparaissent enfin et début mai, les premières feuilles sont étalées. Mais c’est à la fois avec soulagement et crainte que le vigneron regarde cet élan de la végétation. En fait, la pluie tombe sur mai, parfois des averses intenses, parfois des orages. Mais on échappe aux nuées de grêles qui ont frappé quelques parcelles des vignobles d’appellations voisines. C’est sous un ciel instable et très changeant que l’on ébourgeonne, mais aussi que l’on surveille avec attention le développement des maladies cryptogamiques. Le mildiou est en embuscade, attendant sournoisement l’inattention ou le faux pas du vigneron. Les pluies et la douceur ambiante sont des atouts pour son développement. Mais Éole est avec nous en cette année 2023 : il souffle après chaque averse, asséchant ainsi les feuilles encore frêles. L’attention est de tous les instants : il faut rapidement relever les fils de palissage pour éviter que des rameaux se cassent.

vignes
début de formation de la grappe

Une floraison parfaite.

Juin débute avec un bel anticyclone : il fait beau, il fait chaud et l’air est sec… Des conditions idéales pour que s’épanouissent les fleurs de vignes. Entre le 5 et le 10 juin, tous les cépages sont en fleur. Toutes les baies sont fécondées, pas de coulure, pas de millerandage… Chacune commence à grossir. Il faut dire que la végétation est luxuriante. On commence à écimer à la mi-juin et on observe la fermeture de la grappe à la fin du mois. Tout le monde s’accorde : l’été sera déterminant pour la qualité du millésime.

Les grandes alternances.

Juillet, août, et même septembre ont connu de multiples changements : une semaine chaude, très chaude, trop chaude, puis une période automnale, puis à nouveau l’été et encore une petite semaine fraîche et grise… Cette météo brouille les pistes, aucune prévision de récolte fiable ne peut être établie. La vigne continue son développement : le 25 juillet, on observe déjà les premières baies verrées dans nos plus anciennes plantations de gamays des Terrajots.

Les pluies d’août favorisent l’apparition de foyers de Botrytis. Une seule solution s’impose : il faut aller enlever les grappes porteuses de maladies. C’est un travail long, mais nécessaire pour assurer la qualité de la vendange. Alors début septembre, l’équipe alterne entre la préparation du chai avec le lavage des cuves et l’installation des pressoirs et des journées de vendanges en vert !

début de véraison dans les vignes
Benne de décuvage qui recule

Un dénouement heureux.

Début septembre, le soleil revient, asséchant les feuilles et les grappes. Les sucres se concentrent alors et les acidités diminuent. Une belle récolte s’annonce. Le 14 septembre, c’est le coup d’envoi des vendanges avec une première benne de Chardonnay, issue de notre parcelle du Pied du Bois. Le 18 et le 21 septembre, la pluie tombe sur le vignoble : 48 mm, c’est beaucoup trop, la récolte est fragile à ce stade. Il faut être vigilant : rentrer rapidement les parcelles les plus sensibles, les plus mûres, prendre le risque d’attendre pour les autres en espérant que le soleil et la chaleur favorisent à nouveau des concentrations bien venues. On enchaîne les suivis de maturité dans les vignes, on décale les jours de vendanges… Bref, on s’adapte à chaque parcelle. Et la vigne nous le rend bien : la récolte est belle, abondante et de qualité. C’est 12 octobre que l’équipe réunie, lève son verre pour le Berlot des vendanges 2023.

Une année tendue, mais le dénouement dans le verre est heureux : il y a de beaux arômes de fruits blancs et d’agrumes dans les blancs, une belle subtilité dans les rosés, de la couleur et de la gourmandise dans les rouges. On appréciera, c’est sûr, dans quelques mois, la légèreté et les arômes de fruits frais de ce millésime qui a pour le moins été éprouvant.

Tester et apprendre.

 

Cette année, nous avons réalisé notre première cuvaison avec des sauvignons roses. Après une grosse semaine de macération, le jus a pris une belle couleur jaune orangé. Après la fermentation, la couleur est légèrement moins soutenue, mais les arômes sont là… On vous tiendra au jus des suites de ce premier essai !

vin orange